Avec "la Cour de Babel" qui sort sur les écrans ce mercredi, Julie Bertuccelli signe un documentaire sensible sur une classe d'accueil.
Pendant l’année scolaire 2011-2012, dans sa classe d’accueil du collège de la Grange-aux-Belles à Paris, Brigitte Cervoni a soufflé l’intelligence sur ses 24 têtes brunes et blondes, arrivées d’ailleurs sans savoir un mot de français : Maryam au minois de chat, venue d’Egypte ; Miguel Angel le violoncelliste virtuose, du Chili ; Oksana, fraîche et rose, d’Ukraine ; Xin confite de timidité, de Chine…La réalisatrice Julie Bertuccellli, qui a déjà signé "Depuis qu’Otar est parti" en 2003 et "L’arbre" en 2011, a filmé ces adolescents au long cours, comme on enregistre les reflets sur l’eau. Poétiquement. Son documentaire "La Cour de Babel" est un film contemplatif. Deux jours par semaine, elle a posé sa caméra aux côtés de l'enseignante, laissant le quotidien se dérouler, efficacement conduit par cette femme qui faisait là sa dernière année d’enseignement – elle a depuis été nommée inspectrice de l’Éducation nationale.
Des mots pour le dire
"L’apprentissage de la langue passe par une reconnaissance de leur propre culture", affirme-t-elle à propos de ses protégés, enfants de réfugiés politiques, ou bénéficiant du regroupement familial. Alors elle les invite à parler d’eux, de leur vie d’avant, des habitudes de leurs pays, et de leurs projets. Ils ont du mal à trouver les mots, bien sûr. Mais on devine des départs précipités, des familles écartelées, et l’espoir tenace qu’en France, tout ira mieux. "Je suis venue en France pour devenir une femme libre", dit Rama la Mauritanienne. Des mots précieux, comme autant de petits bijoux à collectionner.Pour autant, fallait-il à ce point s’attarder sur ces visages d’adolescents, filmés au plus près du grain de la peau, au risque de négliger la dimension éducative de l'aventure, tout ce métier si bien mis en oeuvre par Brigitte Cervoni ? On pressent que ses méthodes pédagogiques gagneraient à être davantage diffusées dans l’Education nationale, quand on observe leur efficacité. Car par touches progressives, ces adolescents se métamorphosent sous nos yeux. Ils s’épanouissent. Oksana chante. Xin rit enfin ! Un an de ce cocooning bien conduit, et ils sont transformés, prêts à d'autres aventures.
Des dispositifs en place depuis la fin des années 60
En France, l’Education nationale accueille ainsi environ 45.000 élèves "allophones", soit près de 5% des effectifs scolaires, dont 19.000 au collège. La plupart d’entre eux vont en classe d’accueil comme celle où travaille Brigitte Cervoni, tout en suivant, en application d’une nouvelle circulaire de 2012, quelques heures de cours par semaine avec des élèves français pour faciliter leur future intégration.Ils sont la face riante de la politique d'immigration française, celle qui fait oublier le scandale des enfants sans papiers menacés jusque dans leur cour d'école, et des familles entières reconduites aux frontières.
Caroline Brizard -
C'est bien dit en les pointant du doigt comme"la face riante de la politique d'immigration française,"Parce la politique d'immigration doit traiter l'immigré d'une façon humaine, mais pourtant elle ne l'a pas toujours fait.
RépondreSupprimer