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mercredi 12 mars 2014

Congo - Océan : en finir avec l'amnésie de la France sur son passé colonial

Le Conseil Représentatif des Associations Noires de France, le CRAN, a récemment déposé une plainte pour «crimes contre l'humanité» contre l’État Français, au sujet du chemin de fer Congo-Océan. Pour les initiateurs de cette plainte, il ne s'agit rien moins que d'un besoin vital de vérité et de justice. Que faut-il en penser ?               

Malgré les innombrables travaux savants menés par les historiens africains et occidentaux, et qui ont eu le mérite de donner un autre son de cloche pour le moins précieux sur la nature et l’origine du système colonial, la France officielle reste figée, et peine à sortir de sa longue nuit coloniale.  En vérité, il existe un embarras des élites françaises, notamment les élites dirigeantes, à se confronter, avec courage et humanité, à la réalité des époques esclavagiste et coloniale. En France même, une tendance publique à l’occultation et à l’amnésie concernant le passé esclavagiste et le passé colonial, s’est installée dans la mémoire et la conscience collectives. D’ailleurs, il suffit de jeter un coup d’œil sur les manuels scolaires français pour constater que tout a été entrepris pour effacer le souvenir de ces époques tragiques de l’histoire nationale.

La vérité sur le système colonial
Animés par un indépassable besoin de vérité, de justice et de réconciliation, inhérent à la condition humaine, les dirigeants du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), viennent de porter plainte, récemment, contre l’Etat français et le groupe de BTP, Spie-Batignolles, pour «crimes contre l’humanité». Pour le CRAN, cette plainte porte sur une terrible page de l’histoire coloniale, au moment de la construction du chemin de fer «Congo-Océan», dans les années 1920. Ce projet colonial démentiel aurait fait des milliers de victimes, parmi lesquelles enfants, femmes et hommes.
Soulignons que nul n’a dénoncé avec plus de «prophétie» et de vigueur le système colonial français en Afrique centrale que le Guyanais René Maran, à travers son célèbre roman Batouala. L’entreprise coloniale, c’est d’abord, répétons-le, une œuvre de déshumanisation de l’homme. En croisant le fer avec l’État français, à travers cette plainte, le CRAN entend percer toute la vérité sur cette époque, et permettre aux citoyens français de connaître tous les rouages du système colonial. Et le CRAN fait le pari, après les acquis de la loi Taubira reconnaissant, en France, la Traite et l’esclavage des Noirs comme «crimes contre l’humanité», que cette plainte permettra de donner une place centrale à la mémoire négro-africaine dans l’espace public français. Avouons-le, la démarche du CRAN, si elle peut apparaître téméraire, reste parfaitement inédite, salutaire et salvatrice. Évidemment, on ne manquera pas de comparer cette démarche  à celle des organisations juives.
Mais pour les dirigeants du CRAN, il ne s’agit, nullement, avec cette plainte, de dresser la mémoire et la souffrance négro-africaines contre celles des juifs. Au contraire, en rejetant tous les parallèles douteux et nauséabonds entre souffrance négro-africaine et souffrance juive, le Conseil représentatif des associations noires de France met en évidence et refuse le silence coupable de l’État français sur les crimes coloniaux commis en terre africaine.
L’amnésie constitue un réel danger
Derrière cette plainte, il faut souligner qu’un certain révisionnisme colonial à caractère raciste continue, à l’heure actuelle, à exercer une fascination morbide sur certaines élites intellectuelles et politiques françaises, bien que la science historique ait apporté un cinglant démenti à leurs discours et théories. Personne ne sait quel sort la justice française réservera à la plainte du CRAN. Mais quoi qu’il en soit, cette organisation, brisant la mauvaise conscience et l’amnésie françaises, ne fait que dire, montrer, faire entendre ce qui s’est passé en Afrique noire, durant la nuit coloniale du pays de la Révolution française.
La démarche du CRAN, c’est d’abord une œuvre de transmission, donc de mémoire comme l’a si bien pensé Hannah Arendt pour qui «la mémoire est cette faculté innée qui fait de l’homme un être hanté par la peur d’oublier». Les Noirs ne doivent, en aucun cas, perdre leur mémoire historique, laquelle soutient leur édifice existentiel. Cela, le CRAN le sait. Au-delà de la dimension réparatrice pécuniaire, cette plainte pose à l’État français un immense défi moral à relever. Oui, l’État français doit s’acquitter de sa dette morale envers les victimes du colonialisme, en domptant, enfin, son passé colonial.
Par conséquent, la démarche du CRAN est courageuse, légitime, de surcroît, rédemptrice. Car elle ne peut que contribuer à changer radicalement, et positivement, la condition négro-africaine.
A. BARRO

 

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1 commentaire:

  1. Les blessures sont des balafres, elles ne s'éffacent pas avec le temps, il faut vouloir être pardonner pour être pardonné,la France doit reconnaitre et accepter son passé pour pouvoir avancer sereinement vers l'avenir.

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