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mardi 11 février 2014

Google: Mais comment fait-il pour payer moins d'impôts en France ?

La mastodonte américaine Google a toujours déclaré se conformer aux législations françaises. Le géant de l'Internet emploie environ 350 salariés dans l'Hexagone où elle  fournit plusieurs services à savoir : moteur de recherche, messagerie, agrégateur d'informations... Cette panoplie de services lui permet de vendre des liens sponsorisés aux annonceurs. Une activité qui ne génère qu'un très faible volume d'affaires en France, en l'occurrence environ 192 millions d'euros. Résultat, Google a réglé 8,3 millions d'impôts en 2012, selon les chiffres obtenus par l' AFP auprès du tribunal de commerce. 

Une convention fiscale sur mesure

Il n'est pas aisé d'obtenir des informations précises sur la stratégie fiscale de Google qui repose la convention fiscale entre la France et l'Irlande qui date de 1969.  La lecture de cet accord bilatéral est plus éloquente. Le Bulletin officiel des finances publiques-impôts explique que les "bénéfices industriels et commerciaux réalisés par une entreprise de l'un des deux États, sur le territoire de l'autre État, sont imposés dans cet autre État, mais uniquement dans la mesure où les bénéfices sont imputables à l'établissement stable qui s'y trouve situé". Pas d' "établissement stable" en France, pas d'impôt ! Or, au terme de cet accord, il n'existe pas d' "établissement stable" "si une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins de publicité, de fourniture d'informations, de recherche scientifique ou d'activités analogues qui ont pour l'entreprise un caractère préparatoire ou auxiliaire". Or Google a ouvert  un centre de R&D et un institut culturel en France .
Mais l'américain n'a visiblement pas convaincu le fisc français, même s'il est difficile d'avoir des informations précises, l'administration refusant de communiquer sur un cas particulier, en application du principe du "secret fiscal". Le 30 juin 2011, une perquisition au siège a permis à la Direction nationale d'enquêtes fiscales et aux douanes de saisir de nombreux documents (factures, courriels, contrats...) suggérant que les équipes françaises jouaient un rôle bien plus important que ce que Google voulait bien dire. Le fisc serait parvenu à déjouer le schéma d'optimisation fiscale de l'américain en récoltant des preuves que tout a été organisé pour que l'activité en France ne ressemble pas à un "établissement stable", alors qu'elle en avait les caractéristiques. La firme de Mountain View pourrait être redressée d'un milliard d'euros;

La technique du "Double Irish"

Sauf que le problème est loin d'être réglé définitivement : l'entreprise aurait déjà commencé à combler les failles de son système, suite au contrôle fiscal de 2011. Le fusil du fisc ne serait qu'à un seul coup. Dans une enquête, BFM.com explique que Google a décidé par prudence de "rebaptiser certaines activités pour réduire les risques". L'activité française chargée des grandes entreprises, qui s'appelait direct sales organization, aurait été rebaptisée large customer team. Le moteur de recherche américain devrait donc pouvoir, à l'avenir, continuer à remonter l'essentiel des bénéfices réalisés en France vers l'Irlande. 
Mais son schéma d'optimisation fiscale ne s'arrête pas là.  Google excelle dans la technique dite du "Double Irish" utilisée par Facebook ou Microsoft. Le montage est complexe mais légal. Google US commence par concéder ses droits de propriété intellectuelle (brevets, marque) à une société irlandaise située aux Bermudes, appelée Google Ireland Holdings. Pour limiter les bénéfices aux États-Unis, Google Ireland Holdings paye cette redevance à Google à un prix bas.

Exporter les bénéfices aux Bermudes

Même si Google Ireland Holdings est bien une société irlandaise, elle est exemptée d'impôts aux yeux de Dublin, "dès lors que son centre de management effectif est situé aux Bermudes". C'est pourtant aussi la société mère d'une autre société irlandaise, appelée Google Ireland Limited. C'est cette filiale, qui emploie quelque 2 000 personnes, qui est censée réaliser l'essentiel du chiffre d'affaires (11 milliards de dollars) de Google en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, selon le président de la commission des Finances du Sénat. Y compris en France.
Pour réduire son bénéfice, elle a été désignée comme "concessionnaire" des droits de propriétés intellectuelles détenues par sa société mère, l'irlandaise installée aux Bermudes. Car le prix payé (5,5 milliards de dollars) en redevance "constitue une charge déductible pour Google Ireland Limited". Google gagne ainsi sur les deux tableaux : le bénéfice irlandais de Google Ireland Limited est réduit, mais il est surtout transféré vers sa société mère installée aux Bermudes.
Selon le droit irlandais, les redevances liées à l'exploitation d'un droit de propriété intellectuelle sont exonérées d'impôt si elles sont transférées à l'intérieur de l'Union européenne . Google a intercalé entre ses deux sociétés irlandaises une société néerlandaise (Netherlands Holdings BV). Une coquille juridique par laquelle transite le paiement des redevances. C'est la technique du "Dutch Sandwich". 
Au final, "près de 99,8 % des bénéfices réalisés à Dublin sont perçus par Google Ireland Holdings sise aux Bermudes où l'imposition sur les bénéfices n'existe pas", écrit Philippe Marini. 

Prise de conscience internationale 

Reste alors un dernier obstacle à franchir : rapatrier les profits des Bermudes vers les États-Unis. Normalement, un tel transfert est imposé à 35 %. Mais pour récupérer de l'argent en 2005, l'administration Bush avait établi une imposition exceptionnelle de 5 % pour les bénéfices rapatriés depuis l'étranger", rappelle Philippe Marini, avant de préciser que Google attendrait le renouvellement d'une telle opération exceptionnelle pour "effectuer un nouveau rapatriement".
Crise des finances publiques oblige, les États ont commencé à réagir. Ils ont adopté en juillet 2013 un "plan d'action" de 15 mesures préparé à leur demande par l'OCDE pour lutter contre la double "non-imposition" des bénéfices. Une "double non-imposition" rendue possible par des règles d'imposition internationale conçues il y a des décennies afin d'éviter une "double imposition" des entreprises dans leur pays d'origine et dans le pays d'accueil. Elle n'est visiblement plus adaptée à l'environnement international actuel.
Mais les choses traînent sur l'économie numérique, dont les spécificités rendent la lutte contre l'optimisation et l'évasion fiscale plus difficile à l'échelle mondiale. L'action n° 1 proposée par les experts de l'OCDE vise à "identifier les principales difficultés posées par l'économie numérique pour l'application des règles fiscales internationales existantes, et élaborer des solutions détaillées pour les résoudre, en adoptant une démarche globale et en tenant compte de la fiscalité directe et indirecte".
Un groupe de travail présidé par la France et les États-Unis doit permettre de faire avancer le sujet. La réflexion n'est pas plus avancée au niveau européen où un autre groupe de travail, créé sous l'impulsion du commissaire européen  Algirdas Semeta, devrait rendre ses conclusions dès cet été.

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1 commentaire:

  1. il faut actualiser les lois qui régissent l'imposition fiscale pour pouvoir mieux controler la fiscalité numérique et en éffet élaborer des solutions détaillées pour les résoudre, en adoptant une démarche globale et en tenant compte de la fiscalité directe et indirecte".

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