La députée PS de la Réunion, Ericka Bareigts |
Evènement historique pour les
Réunionnais : les députés ont adopté ce mardi la résolution mémorielle sur les
milliers d'enfants réunionnais déportés en métropole entre 1960 et 1980 pour
repeupler des départements ruraux. L'UMP, parti d'opposition de droite a voté
contre cette résolution en dénonçant au passage ce que le parti de l'ancien président
Nicolas Sarkozy appelle une "instrumentalisation de l'histoire".
Ce mardi
18 Février 2014 est un grand jour pour les " Réunionnais de la Creuse
". Certes, le texte voté par le parlement n'a rien moins qu'une portée
symbolique mais il signifie déjà beaucoup pour eux. Les députés ont voté la résolution mémorielle sur les milliers d'enfants
réunionnais déportés de leur île entre 1963 et 1982, sans leur consentement et
sur ordre de l'Etat, pour repeupler des départements ruraux. Une douleur
difficile à oublier pour ces milliers de laissés-pour-compte.
Ces enfants venus de la Réunion, déclarés "pupilles de
l'Etat", ont été déracinés, sans leur accord et bien souvent sans celui de
leurs parents. " Les employés de l'Etat allaient jusqu'à extorquer la
signature des parents ", affirme l'historien Sudel Fuma, spécialiste de la Réunion. " On leur disait
'votre enfant va revenir dans quelques jours' ou 'il reviendra médecin'. On
leur promettait monts et merveilles." Sauf qu'à l'arrivée, certains ne
sont jamais rentrés sur l'île quand d'autres ont dû attendre des décennies. Et
pour une partie d'entre eux, l'intégration dans les villages profonds de la
France a été douloureuse, entre racisme, maltraitance et boulots ingrats.
Une
souffrance atroce et insupportable...
Des
témoignages poignants, faisant été d'internement psychiatrique ont été
relayés dans les archives. Ces récits font froid dans le dos. Dans son
livre Une enfance volée, Jean-Jacques
Martial, qui a porté plainte, en vain, contre l'Etat français pour " enlèvement
de mineurs " en 2002, confie avoir été violé par son père adoptif. La
souffrance de certains pupilles les amène parfois hélas à des solutions
extrêmes. " A 32 ans, mon frère ne supportait plus cette vie et s'est
suicidé ", relate Valérie Andanson, qui a appris son existence uniquement
à 16 ans, en découvrant qu'elle a été adoptée. " Nous étions six dans le
même département, les uns à côté des autres, sans savoir qu'on était frères et
soeurs !"
Ces récits
douloureux ont poussé la députée PS de la Réunion, Ericka Bareigts, à
déposer, 50 ans après les faits, une résolution mémorielle sur la table de
l'Assemblée nationale. " Nous voulons dire à ceux qui ont vécu cette
souffrance qu'on la reconnait." a t-elle argué. Sa résolution comportait
trois points :D'abord que " la connaissance historique de cette affaire
soit approfondie et diffusée ". Ensuite, que l'Etat reconnaisse avoir
manqué à " sa responsabilité morale." Enfin, que les victimes
puissent " reconstituer leur histoire personnelle ". Car nombre
d'entre elles ne peuvent plus remonter jusqu'à leurs origines et pour cause :
leurs dossiers administratifs auraient " soit disparu soit été
brûlés."
Vous avez
dit déportation ?
Ces faits
honteux qui remontent à 50 ans, ont été prescrits. Un procès ne s'ouvrira pas
contre l'Etat. Mais la portée symbolique du texte vaut son pesant d'or. En
revanche, on peut déplorer que des excuses publiques ne sont pas à l'ordre du
jour, de la part de l'Etat aux victimes.
L'UMP réfutait
le terme 'déportation' en se basant sur rapport de l'Inspection générale
des affaires sociales (IGAS) qui a légitimé la politique de Debré. Il
fallait répondre à une situation démographique d'urgence. Mais le parti de
Nicolas Sarkozy dit comprendre la douleur de ces Réunionnais déracinés.
Les
détracteurs de cette résolution brandissait un texte de 2002 initié par la
socialiste Elisabeth Guigou, quand elle était ministre de l'Emploi et de
la Solidarité, texte qui ne donnait pas un avis tranché sur la question, ni
vraiment négatif sur le transfert des jeunes Réunionnais. D'où la rhétorique
insupportable de certains députés de l'opposition: "Des gens ont
souffert mais ces cas sont marginaux, la grande majorité a trouvé des
conditions de vie meilleures", selon Didier Quentin, propos abjects rapportés
par le journal Libération.
Mais à
vrai dire, ne nous voilons pas la face: certes des réussites marginales liées à
cette politique migratoire existent, comme le parcours de Advayananda
Sarasvati. Exilé dans la Creuse, ce Réunionnais a pu mener des études à Paris
et en Inde avant de retourner sur son île pour devenir swami, l'équivalent de
prêtre dans la religion hindoue, une fonction respectée sur l'île. Oui, il y a
aussi le contexte de l'époque : la Réunion est en proie au chômage et certaines
familles peinent à nourrir leurs enfants. Mais aucune étude ni rapport ne dit
qu'il y a eu plus de bien lotis que de mal lotis dans l'affaire, bien au
contraire. "Ce n'est pas à l'IGAS, une administration, de juger une
politique. Des témoignages même de préfets de l'époque prouvent que ça a été un
échec. D'ailleurs, le problème démographique n'a pas été enrayé", assure
Ericka Bareigts.
Devoir de
mémoire tardif : et maintenant ?
Ce mardi,
l'Assemblée nationale a enfin adopté la résolution mémorielle sur l'affaire des
enfants exilés de leur île entre 1963 et 1982 pour des territoires ruraux en
déclin démographique. Le texte vise à ce que "la connaissance historique
de cette affaire soit approfondie et diffusée" et que l'Etat reconnaisse
avoir manqué "à sa responsabilité morale". Une trentaine de ces
ex-pupilles de l'Etat ont assisté au débat dans l'hémicycle. Cette résolution
symbolique et mémorielle, relative aux "enfants placés en métropole",
a été adoptée par 125 voix contre 14. Toute la gauche (PS, Écologistes, PRG,
Front de gauche et divers gauche) a voté pour, l'UMP contre, tandis que l'UDI
n'a pas pris part au vote. Si le groupe socialiste a voté pour, le groupe
UDI n'a pas pris part au vote et l'UMP a choisi de voter contre.
Ericka
Bareigts, la députée réunionnaise qui a dépose la le projet, a justifié le
choix d'une résolution par rapport à une loi mémorielle, plus contraignante.
" Ce n'est pas pour faire un procès. L'esprit de la résolution est de
rassemble r", a argué la députée, pour qui, il faut faire "un travail
collectif".
A présent
que la résolution a été votée et reconnait clairement la responsabilité de
l'Etat, qu'est-ce qui va se passer ? Les réunionnais de la Creuse vont-ils
enfin tourner la page et passer à autre chose ? Croisons les doigts !
C'est vrai que c'est déplorable,ce qui s'est passé, ce qui justifie d'avoir voté cette loi!Tardif mais tout de même utile et obligatoire.Car ce qu'on lit d'autres l'ont vécus et ont ressentis les éfffets.
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