"Le poids des mots, la force des idées..."

SOMMAIRE...

mardi 18 février 2014

Enfants réunionnais de la Creuse: l'Assemblée reconnaît la responsabilité de l'Etat français

La députée PS de la Réunion, Ericka Bareigts
Evènement historique pour les Réunionnais : les députés ont adopté ce mardi la résolution mémorielle sur les milliers d'enfants réunionnais déportés en métropole entre 1960 et 1980 pour repeupler des départements ruraux. L'UMP, parti d'opposition de droite a voté contre cette résolution en dénonçant au passage ce que le parti de l'ancien président Nicolas Sarkozy appelle une "instrumentalisation de l'histoire". 

Ce mardi 18 Février 2014 est un grand jour pour les " Réunionnais de la Creuse ". Certes, le texte voté par le parlement n'a rien moins qu'une portée symbolique mais il signifie déjà beaucoup pour eux. Les députés ont voté la résolution mémorielle sur les milliers d'enfants réunionnais déportés de leur île entre 1963 et 1982, sans leur consentement et sur ordre de l'Etat, pour repeupler des départements ruraux. Une douleur difficile à oublier pour ces milliers de laissés-pour-compte.
Ces enfants venus de la Réunion, déclarés "pupilles de l'Etat", ont été déracinés, sans leur accord et bien souvent sans celui de leurs parents. " Les employés de l'Etat allaient jusqu'à extorquer la signature des parents ", affirme l'historien Sudel Fuma, spécialiste de la Réunion. " On leur disait 'votre enfant va revenir dans quelques jours' ou 'il reviendra médecin'. On leur promettait monts et merveilles." Sauf qu'à l'arrivée, certains ne sont jamais rentrés sur l'île quand d'autres ont dû attendre des décennies. Et pour une partie d'entre eux, l'intégration dans les villages profonds de la France a été douloureuse, entre racisme, maltraitance et boulots ingrats.

Une souffrance atroce et insupportable...

Des témoignages poignants, faisant été d'internement psychiatrique ont été relayés dans les archives. Ces récits font froid dans le dos. Dans son livre Une enfance volée, Jean-Jacques Martial, qui a porté plainte, en vain, contre l'Etat français pour " enlèvement de mineurs " en 2002, confie avoir été violé par son père adoptif. La souffrance de certains pupilles les amène parfois hélas à des solutions extrêmes. " A 32 ans, mon frère ne supportait plus cette vie et s'est suicidé ", relate Valérie Andanson, qui a appris son existence uniquement à 16 ans, en découvrant qu'elle a été adoptée. " Nous étions six dans le même département, les uns à côté des autres, sans savoir qu'on était frères et soeurs !" 

Ces récits douloureux ont poussé la députée PS de la Réunion, Ericka Bareigts, à déposer, 50 ans après les faits, une résolution mémorielle sur la table de l'Assemblée nationale. " Nous voulons dire à ceux qui ont vécu cette souffrance qu'on la reconnait." a t-elle argué. Sa résolution comportait trois points :D'abord que " la connaissance historique de cette affaire soit approfondie et diffusée ". Ensuite, que l'Etat reconnaisse avoir manqué à " sa responsabilité morale." Enfin, que les victimes puissent " reconstituer leur histoire personnelle ". Car nombre d'entre elles ne peuvent plus remonter jusqu'à leurs origines et pour cause : leurs dossiers administratifs auraient " soit disparu soit été brûlés."

Vous avez dit déportation ?

Ces faits honteux qui remontent à 50 ans, ont été prescrits. Un procès ne s'ouvrira pas contre l'Etat. Mais la portée symbolique du texte vaut son pesant d'or. En revanche, on peut déplorer que des excuses publiques ne sont pas à l'ordre du jour, de la part de l'Etat aux victimes.
L'UMP réfutait le terme 'déportation' en se basant sur rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui a légitimé la politique de Debré. Il fallait répondre à une situation démographique d'urgence. Mais le parti de Nicolas Sarkozy dit comprendre la douleur de ces Réunionnais déracinés.
Les détracteurs de cette résolution brandissait un texte de 2002 initié par la socialiste Elisabeth Guigou, quand elle était ministre de l'Emploi et de la Solidarité, texte qui ne donnait pas un avis tranché sur la question, ni vraiment négatif sur le transfert des jeunes Réunionnais. D'où la rhétorique insupportable  de certains députés de l'opposition: "Des gens ont souffert mais ces cas sont marginaux, la grande majorité a trouvé des conditions de vie meilleures", selon Didier Quentin, propos abjects rapportés par le journal Libération.  
Mais à vrai dire, ne nous voilons pas la face: certes des réussites marginales liées à cette politique migratoire existent, comme le parcours de Advayananda Sarasvati. Exilé dans la Creuse, ce Réunionnais a pu mener des études à Paris et en Inde avant de retourner sur son île pour devenir swami, l'équivalent de prêtre dans la religion hindoue, une fonction respectée sur l'île. Oui, il y a aussi le contexte de l'époque : la Réunion est en proie au chômage et certaines familles peinent à nourrir leurs enfants. Mais aucune étude ni rapport ne dit qu'il y a eu plus de bien lotis que de mal lotis dans l'affaire, bien au contraire. "Ce n'est pas à l'IGAS, une administration, de juger une politique. Des témoignages même de préfets de l'époque prouvent que ça a été un échec. D'ailleurs, le problème démographique n'a pas été enrayé", assure Ericka Bareigts. 

Devoir de mémoire tardif : et maintenant ?
Ce mardi, l'Assemblée nationale a enfin adopté la résolution mémorielle sur l'affaire des enfants exilés de leur île entre 1963 et 1982 pour des territoires ruraux en déclin démographique. Le texte vise à ce que "la connaissance historique de cette affaire soit approfondie et diffusée" et que l'Etat reconnaisse avoir manqué "à sa responsabilité morale". Une trentaine de ces ex-pupilles de l'Etat ont assisté au débat dans l'hémicycle. Cette résolution symbolique et mémorielle, relative aux "enfants placés en métropole", a été adoptée par 125 voix contre 14. Toute la gauche (PS, Écologistes, PRG, Front de gauche et divers gauche) a voté pour, l'UMP contre, tandis que l'UDI n'a pas pris part au vote. Si le groupe socialiste a  voté pour, le groupe UDI n'a pas pris part au vote et l'UMP a choisi de voter contre. 
Ericka Bareigts, la députée réunionnaise qui a dépose la le projet, a justifié le choix d'une résolution par rapport à une loi mémorielle, plus contraignante. " Ce n'est pas pour faire un procès. L'esprit de la résolution est de rassemble r", a argué la députée, pour qui, il faut faire "un travail collectif". 
A présent que la résolution a été votée et reconnait clairement la responsabilité de l'Etat, qu'est-ce qui va se passer ? Les réunionnais de la Creuse vont-ils enfin tourner la page et passer à autre chose ? Croisons les doigts !



Avertissement aux lecteurs et lectrices

Les propos racistes, fascistes, sexistes ou homophobes, et d'une manière générale tous les propos injurieux et/ou diffamatoires seront sytématiquement supprimés sans préavis et leurs auteurs seront bannis du forum. Merci.

1 commentaire:

  1. C'est vrai que c'est déplorable,ce qui s'est passé, ce qui justifie d'avoir voté cette loi!Tardif mais tout de même utile et obligatoire.Car ce qu'on lit d'autres l'ont vécus et ont ressentis les éfffets.

    RépondreSupprimer

 
Copyright © 2013 AfriquEurope
Design by FBTemplates | BTT