Mais une raison particulièrement contemporaine de lire Dumas, le comte noir est d'y découvrir que, sous le Directoire, au moins une douzaine de députés "de couleur" siégèrent au Conseil des Cinq-Cents. Reiss en donne la liste, qui comprend le doyen des militants de la cause noire Julien Raimond, les anciens esclaves Étienne Mentor et Jean-Louis d'Annecy, et bien sûr le premier député noir de l'histoire de France, Jean-Baptiste Belley, élu à la Convention en 1794 au moment de l'abolition de l'esclavage.
Huit élus de couleur à l'Assemblée
Douze ! Mais, ne peut-on s'empêcher de demander, combien sont-ils aujourd'hui ? Bravant l'interdiction des statistiques ethniques, Le Monde a recensé les députés "de couleur", hors outre-mer, qui siègent aujourd'hui à l'Assemblée. Il y en a huit. Je laisse les historiens affiner ces chiffres et les politologues discuter de la pertinence institutionnelle de cette comparaison. Ce qu'on peut néanmoins en conclure sans trop de risque, c'est qu'il y avait au moins autant d'élus "de couleur" sous la Révolution qu'aujourd'hui.Dumas, le comte noir nous rappelle, à grand renfort de références historiques, qu'en effet l'égalité raciale et l'intégration des Noirs dans la société française furent une des grandes réussites des révolutionnaires français, qui abolirent le "Code noir" de l'Ancien Régime. Quand le soldat Thomas-Alexandre Dumas demanda en mariage la fille d'un bourgeois de province, la question qui se posa fut celle de son grade dans l'armée, pas de sa couleur de peau, qui n'empêcha aucunement sa fulgurante ascension.
Pourquoi, hormis des figures de proue comme Gaston Monnerville (qui fut président du Sénat) ou Léopold Sédar Senghor (député puis ministre), et bien sûr les quelques stars des récents gouvernements, la représentation politique des "minorités visibles" semble-t-elle s'être figée dans le temps ? Il est vrai que Napoléon interrompit assez radicalement le souffle révolutionnaire sur ce terrain, lui qui brisa Toussaint Louverture, rétablit l'esclavage, mit fin aux écoles ouvertes aux Noirs (telles que l'Institut colonial national), interdit les mariages mixtes, rétablit la police des Noirs, et exclut les anciens militaires noirs de Paris et de ses environs, au point que son propre général, Thomas-Alexandre Dumas, dut demander une dérogation pour rester auprès de sa famille à Villers-Cotterêts !
Le signe de la déliquescence des vieux partis
Mais au-delà de ces vicissitudes historiques, comment expliquer que le Parlement français, qui fut il y a plus de deux siècles l'un des plus innovants et des plus libres, soit devenu l'un des plus ringards ? Rien qu'au Royaume-Uni, la Chambre des communes compte le triple d'élus issus des "minorités visibles" (soit vingt-six).Je déteste autant qu'un autre l'idée dégradante de quotas, abhorre la déférence "politiquement correcte" envers toute peau un peu sombre, et condamne l'agressivité procédurière de SOS Racisme. Mais je m'interroge sur ces chiffres sans appel. Sans doute reflètent-ils l'absence de représentativité réelle de nos élus, et la déliquescence de leurs vieux partis. Rendons le pouvoir à la société civile, et c'est tout naturellement que l'Assemblée prendra des couleurs, battant enfin son record de... 1795.
Les noirs auront tout vécus:"la traite négrière, le colonialisme, le racisme, et certaines sociétés Européennes ont encore du mal aujourd'hui à accepter une ''visibilité noire" aux seins de leurs organisations.
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