Nouvelle
étape dans la crise politique qui ne cesse de faire des vagues en Turquie,
depuis l’ouverture en décembre de plusieurs enquêtes pour corruption
visant des ministres - dont quatre ont démissionné - ainsi que des
proches du gouvernement. Diffusée lundi soir sur internet, un enregistrement audio, dont
l'authenticité n'a pas encore été confirmée par une source indépendante, met personnellement en cause pour la première fois, le premier ministre turc himself. Recep Tayyip Erdogan a aussitôt riposté
mardi à la diffusion de cette conversation téléphonique compromettante qui
le place au cœur du scandale de corruption qui éclabousse son régime,
dénonçant au passage, une "attaque haineuse".Plus de 7 000 responsables turcs, dont Recep Tayyip Erdogan le premier ministre en personne,
mais aussi des opposants et des journalistes, sont concernés par ces
écoutes téléphoniques rendues publiques par les médias. Le Premier ministre dénonce une fois encore, un complot de la confrérie islamiste Gülen, autrefois son alliée.
L’opposition pour sa part réclame sa démission.
Profitant de sa harangue hebdomadaire devant les députés de son parti
de la justice et du développement (AKP), le chef du gouvernement a
qualifié cette conversation de "montage indécent" et d'"attaque
haineuse". "Jamais nous ne cèderons (...) seul le peuple peut
décider de nous renvoyer, et personne d'autre", a-t-il martelé sous les
ovations de ses partisans, en renvoyant ses accusateurs et les critiques
aux élections municipales du 30 mars prochain.
Dès hier soir, son
cabinet avait vigoureusement démenti l’existence de
la conversation en cause, évoquant déjà un "montage immoral". Sans
surprise, M. Erdogan a une nouvelle fois accusé mardi la confrérie du
prédicateur musulman Fethullah Gülen, qui fut longtemps son allié,
d'avoir orchestré cette nouvelle attaque en "mettant en scène une pièce
(de théâtre) immorale".
"Il n'existe aucune allégation à laquelle
nous ne pouvons répondre", a-t-il poursuivi en promettant de poursuivre
en justice ses auteurs.
Depuis des semaines, le Premier ministre
accuse l'organisation de M. Gülen, très influente dans la police et la
justice, d'instrumentaliser les enquêtes anti-corruption en cours dans le
cadre d'un complot visant à la déstabiliser avant les municipales et la
présidentielle prévue en août 2014.
Dans l'enregistrement daté du
17 décembre diffusé lundi soir, un homme présenté comme le Premier
ministre conseille à un autre, décrit comme son fils aîné Bilal, déjà
entendu comme témoin par les procureurs en charge de l'enquête
anti-corruption, de se débarrasser d'environ 30 millions d'euros,
quelques heures seulement après un coup de filet de la police visant des
dizaines de proches du régime.
- Appels à démissionner -
"Fils,
ce que je veux te dire, c'est de faire sortir tout ce que tu as chez
toi, d'accord ?", dit la voix présentée comme celle de M. Erdogan.
"Qu'est-ce que je peux avoir chez moi ? Il n'y a que l'argent qui
t'appartient", lui répond son interlocuteur.
Sitôt diffusée, cette
écoute téléphonique, énième d'une série qui décrivait jusque-là les
pressions directes de M. Erdogan auprès des médias, a enflammé les
réseaux sociaux et l'opposition, qui dénonce depuis des semaines la
corruption du régime islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002.
"Le
gouvernement doit immédiatement démissionner, il a perdu toute
légitimité", a lancé devant la presse Haluk Koç, vice-président de la
principale force d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), "la
Turquie ne peut pas continuer sur cette voie".
Le chef du Parti
de l'action nationaliste (MHP) Devlet Bahçeli lui a emboîté le pas en
annonçant que "la fin absolue et certaine pour M. Erdogan est toute
proche". "La justice doit immédiatement lancer une enquête", a-t-il
insisté.
Coïncidence ou pas, la publication de ces enregistrements
est intervenue quelques heures après les révélations de deux journaux
proches du régime accusant des magistrats proches de la confrérie de
Fethullah Gülen d'avoir mis sur écoute des milliers de personnes, dont
M. Erdogan.
Pour reprendre en main la situation, le Parti de la
justice et du développement (AKP) de M. Erdogan, fortement majoritaire à
l'assemblée, a mené des purges sans précédent dans la police et la
justice et fait voter des lois controversées qui durcissent le contrôle
de l'internet et renforcent l’emprise du pouvoir sur la justice.
Ce nouvel épisode a été immédiatement sanctionné par les marchés financiers.
A
la mi-journée, la livre turque (LT) reculait à 2,1982 LT pour un dollar
et à 3,0229 LT pour un euro, alors que le principal indice de la bourse
d'Istanbul cédait 2,54% à 62.556,03 points.
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